Le cauchemar fasciste-libéral va-t-il s’achever là où il a commencé?

Si l’on veut dater le début du spasme qui est en train d’étrangler la planète, la date est le 11 Septembre 1973.
Ce jour là un général fasciste nommé Augusto Pinochet lança au Chili un coup d’état militaire contre le gouvernement d’Unidad Popular, et assassina Salvador Allende, président élu par la majorité du peuple chilien – pour établir un régime de violence: trente mille personnes, ouvriers, intellectuelles, étudiantes furent éliminées. Et finalement une Constitution fondé sur la primauté du profit privé sur l’intérêt social fut imposée en 1980.
Le coup d’Etat n’étais pas un événement isolé: Richard Nixon, président des Etats Unis, et Henry Kissinger, secrétaire d’Etat américain jouèrent un rôle décisif dans le déclenchement de la dictature, et le pays fut transformé en laboratoire de l’école neo-liberale, qui finalement s’affirma comme une contre-révolution globale lorsque Margaret Thatcher prit le pouvoir en Grande Bretagne à la fin de la décennie.
On nous raconte l’histoire récente comme un combat entre démocratie libérale et nationalisme de retour. On nous raconte l’actualité du point de vue de l’alternative entre fascisme et capitalisme libéral. Mais il s’agit d’un trompe l’oeil.
Fascisme et privatisation ont marché main dans la main à partir du 11 Septembre 1973. Cette alliance de violence et marché, de racisme et profit est la racine du spasme: précarité, agressivité identitaire, dévastation de l’environment, accélération du rythme de l’exploitation, tristesse infinie de la vie quotidienne.
Mais le spasme est chaosmique. Et la tristesse n’arrive pas à étouffer pour toujours le désir: les révoltes prolifèrent, souvent réprimées par les fascistes et par les néoliberaux. La révolte des jeunes de Hong Kong réprimée par Xi, la révolte des gilets jaunes réprimée par Macron.
Pourtant parfois les révoltes se transforment en véritables bouleversements. Par exemple la révolte qui a éclaté dans les stations du métro de Santiago du Chili le 18 Octobre 2019, malgré la répression violente des forces policières, n’a pas pu être étouffée, et a réussi a imposer l’abolition de la Constitution de 1980, héritage de la dictature fasciste-libérale de Pinochet. Le 16  Mai 2021 le peuple chilien a élu une Assemblée Constituante: la grande majorité des élus s’inspirent des principes de la solidarité sociale, de l’égalité, du respect pour l’environment et du pluralisme culturel.
Là ou le cauchemar a commencé, le réveil va peut être démarrer.
Là ou l’alliance  du fascisme et du marché à été affirmée en 1973, on va peut être entamer un parcours de redistribution de la richesse.
Le spasme qui a commencé le 11 septembre de 1973 a culminé dans la phase chaotique de l’Automne 2019, quand les étudiants de Santiago, en sautant les tourniquets du métro, ont lancé une insurrection qui à mobilisé des masses énormes dans toutes les villes du pays. Le chaos est maintenant en train de diffuser, de tourner vers une réécriture de la partition, vers une réinvention égalitaire et frugale de la vie sociale.
Grace aux Chiliens, grâce aux insurgés d’Octobre 2019, on peut finalement respirer. Le processus d’élaboration des nouvelles règles, la composition de la symphonie sociale à venir ne doivent pas être limités à l’Assemblée Constituante du Chili. C’est un processus qui nous concerne tous, en Amérique Latine bien sur, mais aussi en Europe, où l’alliance entre nationalisme raciste et finance néo-libérale se durcit jour après jour: l’affirmation de la droite aux élections de Madrid, la dérive nationaliste de Macron et les menaces des généraux français, le gouvernement Draghi-Salvini en Italie. Dans toute l’Europe se marrient racisme et violence économique.
Il faut tourner l’attention vers le processus constitutionnel qui va se dérouler au Chili parce que cela concerne le futur de tout le monde. On ne peut pas perdre cette occasion si l’on veut éviter la précipitation finale vers l’extinction.
Le spasme nous étrangle, mais le chaos va éclater tôt ou tard, et nous serons du coté du chaos, parce que dans les brumes et les miasmes chaotiques on devra réaliser une chaosmose collective.
Les Chiliens y sont déjà.